Une question de mémoire
D’autres artistes encore résonnent tout particulièrement car ils parlent du Portugal qu’a fui Joaquim Vital. Júlio Pomar est de ceux-là. Leurs premiers échanges eurent lieu en 1976 et très vite une grande complicité s’installe entre les deux hommes, soudé par leur combat commun contre le régime de Salazar. Plusieurs livres et albums sortiront de ces rencontres, dont La Mémoire du sel, le sel de la mémoire accompagné de textes de Claude Michel Cluny. Il est donc logique de trouver au catalogue un ensemble important 76 numéros de Pomar. Des lithographies très majoritairement, un Petit Lapin, un acrylique sur bois (diam. 10,5 cm, 100/150 €), devancé comme dans la fable de La Fontaine par une Petite tortue (acrylique sur calque marouflé sur toile, 23 x 21 cm, 200/300 €) et toujours au registre animalier, Le Tigre, une sculpture en bronze dont l’idée est née d’un ensemble de gouaches découpées réalisées pour illustrer un recueil de nouvelles de Jorge Luis Borges Rose et bleu. Son feulement pourrait s’entendre au-delà des 5 000 à 6 000 € annoncés. Autre amitié artistique, celle avec Maria Helena Vieira da Silva. De leurs discussions est née l’idée de réaliser une série de panneaux d’azulejos à partir des œuvres de la peintre. L’entreprise se révèlera plus délicate que prévue et seuls quelques exemplaires verront le jour. Quatre sont présentés, dont la Composition abstraite reproduite page de droite et estimée entre 20 000 et 30 000 €. En juin dernier, toute la presse francophone s’était fait l’écho avec tristesse et parfois incompréhension, de la mise en liquidation judiciaire de la maison d’édition. Pourtant rien n’est encore définitif. Colette Lambrichs et Claude Mineraud, qui a rejoint l’aventure en 2010 suite au décès de Joaquim Vital, refusent de conjuguer la Différence au passé et croient à un avenir possible. Ce dernier explique son choix de s’engager, pris en toute connaissance de la situation délicate de l’entreprise, par «une volonté de vivre non seulement avec le livre mais dans le livre» et puis «ce nom, “la Différence”, il m’appelait !» Les résultats de la vente pourront les aider à poursuivre leur chemin parce qu’il reste tant à publier et que «la littérature est la preuve que la vie ne suffit pas» en accord avec Fernando Pessoa (Fragments d’un voyage immobile)